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Relations franco-algériennes, archives, déboulonnage de statues : un entretien avec Olivier Le Cour Grandmaison dans El Watan

vendredi 17 juillet 2020, par Michel Berthelemy

Olivier Le Cour Grandmaison est politologue français. Enseignant universitaire en sciences politiques et philosophie politique, il est l’un des spécialistes reconnus des questions liées à l’histoire coloniale. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier en date est Ennemis mortels. Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale (La Découverte, 2019).

Entretien avec Samir Ghezlaoui, El Watan, 7 juillet 2020

Quelle lecture faites-vous de la restitution à l’Algérie des crânes de martyrs déportés en France durant la colonisation ?
Comme souvent, pour ne pas dire comme toujours, dès lors qu’il s’agit d’événements majeurs de la colonisation qui doivent être qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, il est question pour les autorités françaises de céder sur un point pour mieux préserver l’essentiel. Céder pour faire oublier les tensions récentes entre la France et l’Algérie. Préserver l’essentiel en refusant de reconnaître, comme Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle l’avait pourtant déclaré, que la colonisation fut un crime contre l’humanité. Les ressorts de cette restitution sont diplomatiques, et de politique intérieure : ménager l’électorat de la droite et de l’extrême-droite que le président de la République courtise régulièrement et de façon éhontée. Rien à voir donc avec un souci véritable de l’histoire, de la vérité et de la reconnaissance effective de ce qui a été perpétré par la France en Algérie de 1830 à 1962, et dans d’autres colonies conquises entre 1885 et 1913.

Qu’en est-il du dossier des archives qui revient à chaque fois sur le devant de la scène médiatique quand il s’agit de traiter de la question mémorielle entre les deux pays ?
Là encore, beaucoup de promesses et quelques décisions bien mises en scène par des professionnels de la communication, mais en pratique peu de décisions concrètes. C’est ce que constatent tous ceux qui souhaitent pouvoir consulter librement lesdites archives. Je pense en particulier aux archives relatives aux massacres du 8 mai 1945 et du 17 octobre 1961, puisqu’une bonne partie de ces dernières demeurent toujours fermées. Quant à l’accès aux archives les plus sensibles, il reste soumis au principe des dérogations. Et donc, à l’arbitraire de certaines institutions, comme l’armée et la police, soucieuses de leur image et de la défense de la raison d’Etat au détriment de la vérité historique. Ainsi, les changements sont cosmétiques et pas à la hauteur de ce qui est attendu. Le système dérogatoire est une entrave manifeste aux libertés académiques et à celles de la recherche.

Alors que la Belgique rejoint le club restreint des pays ayant présenté des excuses pour leurs crimes coloniaux en Afrique, peut-on espérer que la France fasse de même surtout qu’il y a toujours une forte attente en Algérie mais également dans d’autres pays, récemment la Tunisie entre autres ?
La déclaration du roi des Belges concernant le Congo (RDC, ndlr) constitue un pas significatif après des décennies d’occultation, de silence et de déni. Rappelons que d’autres avancées importantes ont eu lieu à travers le monde en matière de reconnaissance des crimes commis par les Etats coloniaux. Par exemple, l’Allemagne a reconnu le génocide des Nama et Herero perpétré en 1904 dans sa colonie du Sud-Ouest africain (Namibie, ndlr). De même, la Grande-Bretagne a reconnu que « les Kényans ont été soumis à des actes de torture et à d’autres formes de maltraitance de la part de l’administration coloniale ». Ces mots ont été gravés sur un mémorial financé par le gouvernement britannique et érigé à Nairobi pour rendre hommage aux milliers de personnes massacrées par les troupes de sa majesté lors du soulèvement des Mau-Mau dans les années 1950.
Enfin, la Nouvelle-Zélande, le Canada, l’Australie et les Etats-Unis ont tous admis que des traitements indignes avaient été infligés aux populations autochtones de leurs territoires respectifs. Dans plusieurs cas, la reconnaissance officielle s’est accompagnée de réparations financières accordées aux victimes ou à leurs descendants. Par contre, les présidents et les gouvernements français successifs font preuve d’un mépris confondant et scandaleux envers ceux que la France coloniale a exploités, opprimés et massacrés sans vergogne et envers leurs héritiers français ou étrangers lesquels ne cessent, avec des universitaires, des militants, des associations et quelques organisations politiques, de réclamer la reconnaissance des crimes d’Etat commis sur les territoires coloniaux et même en métropole ; je pense surtout au massacre du 17 octobre 1961.

interview intégrale :
https://www.elwatan.com/pages-hebdo/france-actu/un-mepris-confondant-et-scandaleux-envers-ceux-que-la-france-coloniale-a-exploites-opprimes-et-massacres-07-07-2020

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