Association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami(e)s Contre la Guerre

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La Lettre culturelle franco-maghrebine Auvergne-Rhône-Alpes

lundi 9 novembre 2020, par Gérard Martin

Gérard Martin nous envoie la dernière « Lettre culturelle franco-maghrébine » publiée par Coup de Soleil Auvergne-Rhône Alpes, dont il est l’un des membres. Au sommaire : des photos commentées de l’écrivain Mohammed Dib, des articles sur les récents ouvrages de Benjamin Stora, Gisèle Halimi, Jacques Lacassagne, Fatima Daas, une présentation de l’essai de Raphaëlle Branche « Papa qu’as-tu fait en Algérie ? », et l’annonce de la sortie du film ADN, de Maïwenn  

«  TLEMCEN OU LES LIEUX DE L’ÉCRITURE » de Mohammed Dib , coédition éditions Barzakh 2020, éditions Images Plurielles 2020

Libres commentaires sur quelques photos du livre.

« OMBRE ET LUMIÈRE » Annie Barranco octobre 2020

Ombre de la guerre jetée sur l’enfance, plus allongée, plus sombre, au fil des années et de l’intensité des combats à Marnia, dans l’ouest de l’Algérie, si près de la frontière marocaine.

Lumière débordante de soleil, toute vouée à la terre fertile des vergers qu’irriguait Tafna, la rivière généreuse. De leur symphonie naturelle, dans un nuancier de camaïeu vert, chaque mois de mai explose la floraison blanche étoilée des citronniers, des orangers, embaumant tout alentour, de la vaste campagne opulente aux moindres misérables gourbis du « village nègre ».

Mon regard, exercé très jeune à ce jeu d’ombre et de lumière, sait débusquer des lumineuses apparences, de sombres réalités.

« Les faux beaux jours ont lui tout le jour ma pauvre âme, et les voici vibrer aux cuivres du couchant. Ferme les yeux, pauvre âme, et rentre sur-le-champ » : ce que je fais, précisément route de Tlemcen, courant presque dès la sortie de l’école jusqu’à la maison où enfin je me réfugie. La poésie de Paul Verlaine inachevée, encore sur les lèvres, je claque la porte sur la guerre la laissant sous le regard bleu d’un ciel sans nuage.

Je les croisais chaque jour ces cavaliers d’un autre temps, juchés sur leur monture, âne, mule ou mulet. Et je cheminais un moment avec eux jusqu’à ce que le carrefour principal nous sépare, sorte de triage sociale, économique, communautaire, coloniale tout simplement.

Moi, je poursuivais à droite, vers le centre-ville européen où se trouvaient l’école, l’hôpital, l’église, les quartiers chics des professions libérales, jardins publics, restaurants, cafés…

Ailleurs, plus écartées, les casernes nombreuses de la Légion Étrangère, Parachutistes, Bérets-Verts, concentration impressionnante de militaires français présents et très actifs dans ce coin paradisiaque.

Eux, les cavaliers indigènes sortis d’un nulle part lointain et invisible, leur « village nègre », remontaient encore un peu cette longue route de Tlemcen traversante, tournaient dans les hauteurs, là où apparaissaient de loin les cimes des arbres. Alors, s’étalaient au milieu d’une végétation bien entretenue, les vastes domaines tenus par les puissants colons… Toutes les ressources agricoles leur appartenaient.

Ils régissaient en maître, d’une poigne ferme, définitive.

Journaliers modestes, exploités depuis des générations, leur monture semblait connaître le chemin. Elle trottinait d’un sabot sûr et régulier. Sans doute une odeur de verger en fleurs ou d’herbe tendre, peut-être ici le bruit particulier de la rivière sur les cailloux ou encore un rayon de soleil plus précis sur le harnais, et la bête de selle s’arrêtait net : une longue journée harassante commençait pour l’homme…
… « Si ces hiers allaient manger nos beaux demains ?
Si la vieille folie était encore en route ? »…

https://www.coupdesoleil-rhonealpes.fr/lettre-culturelle-franco-maghrebine-48

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