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Algériens et Français, une rencontre à Aubervilliers pour aller plus loin ensemble

samedi 11 juin 2022, par Christian Travers

Aubervilliers – 4 juin 2022 – Christian Travers

Une rencontre, décidée à l’initiative de la 4acg, de l’association Génération 2010 de Villejuif et des associations Bouzeghène Europe et Oasis dans la Ville d’Aubervilliers, a eu lieu dans les locaux de cette dernière avec le soutien de la municipalité de la ville.

C’était un projet déjà ancien puisqu’il était né en 2020 et que des réunions préalables qui ont eu lieu le 25 janvier et le 8 février de cette année-là ont marqué sa naissance. Bernard Sarrazin, responsable d’une commission jeunesse, était alors le principal interlocuteur de la 4acg.
L’objectif était d’organiser un événement culturel et festif pour encourager la rencontre de jeunes Algériens venus d’Algérie avec de jeunes Français d’origine européenne ou extra-européenne en France. Le titre choisi pour cet événement était « 20 ans en Algérie et en France ».

De nombreuses associations partageant les mêmes objectifs de fraternisation avaient été sollicitées et avaient apporté leur adhésion de principe. On peut citer Génération 2010 de Villejuif, Bouzeghène Europe, et rappeler que la ville d’Aubervilliers, avec ses services « Jeunesse » et « Relations internationales », était prête à s’impliquer dans cette aventure.
Abdelati Laoufi de Génération 2010 avait suggéré que les lieux de réunion et l’action pourraient se développer autour de deux lieux situés au nord et au sud de Paris, à Aubervilliers et à Villejuif. Il faut également indiquer que l’APCV (Agence de Promotion des Cultures et du Voyage) a souhaité s’associer à cette démarche et l’on a pu saluer à l’occasion de cette réunion la présence de son dynamique président : Rahim Rezigat.

Malheureusement la pandémie liée au Covid 19 a perturbé l’avancement de ce projet. C’est donc seulement lorsque l’horizon s’est dégagé que ce projet a pu être réactivé par la 4acg, Génération 2010 et Oasis, à l’occasion d’une réunion qui a eu lieu le 12 févier 2022.

Au menu, film, interventions et débat

La rencontre du 4 juin, dans le jardin de l’association « Oasis dans la ville » et une salle mise à disposition par la mairie, avait inscrit au programme :
- la projection du film d’Emmanuel Audrain, Retour en Algérie, qui met en scène des appelés, meurtris par le souvenir de cette guerre et leur retour en Algérie dans un but de fraternisation
- un débat à partir de ce film sur le thème Des mémoires franco-algériennes et la culture de la paix, qui réunissait trois invités : Stanislas Hutin, membre de la 4acg, ancien appelé, Hakim Addad qui, pour SOS Racisme en France et RAJ (Rassemblement Action Jeunesse) en Algérie, assure la coordination du projet « Regards croisés » dont les objectifs rejoignent ceux ici poursuivis, Fatina Houari, membre du CLJA (Conseil Local des Jeunes d’Aubervilliers), et naturellement tous les participants (on en a compté 97 avec plus de la moitié de « jeunes ») à cette réunion qui s’est conclue par un dîner convivial autour d’un barbecue, dans une ambiance chaleureuse et sympathique que les participants ont particulièrement apprécié… Et dont ils remercient les organisateurs.

Il serait trop long de développer ici toutes les interventions, mais il faut souligner :

- l’absence très regrettée de Abdelati Laoufi, l’animateur de Génération 2010, qui n’avait pu se joindre à nous 
- la remarquable animation de Nour-Eddine Skiker, responsable du service « Jeunesse » à la mairie 
- l’intervention de Marie-Thérèse Gaudier, présidente de l’association Oasis 
- l’intervention d’Azzedine Ameziane, président de l’association Bouzeguène Europe.

Au préalable, Marie-Thérèse, puissance invitante, a commencé par rappeler que « L’Oasis dans la ville » avait été créée en 1994 par un événement marquant : la plantation d’arbres et de végétation afin de créer un espace nature au centre-ville pour favoriser les rencontres dans un lieu convivial.
Stanislas indique que favoriser les rencontres de jeunes de toutes origines est aussi un objectif de la 4acg avec en arrière-plan la volonté de développer auprès d‘eux une culture de la paix.
Il précise que le film Retour en Algérie a été construit à partir d’interviews en France et de trois voyages de membres de la 4acg en Algérie et que Simone de Bollardière, veuve du général, présidente d’honneur de l’association, aujourd’hui décédée, a été un soutien permanent de l’association.

Nour-Eddine évoque l’association Bouzeguène qui favorise les rencontres dans 24 villages algériens. Il souligne que rencontrer l’autre permet de mieux se connaître, de se transformer, de se retrouver.

Une volonté de vérité et de fraternisation

Après le film, qui n’est pas accueilli sans émotion, Stanislas le commente en précisant la volonté de la 4acg de transmettre les horreurs de la colonisation et de la guerre et de favoriser la fraternisation avec le peuple algérien. Il précise que les adhérents à l’association, s’ils acceptent de toucher une pension au titre d’une guerre qu’ils n’ont pas voulue, et contraire à la devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité, ils reversent cet argent à des associations culturelles ou de développement en Algérie et en Palestine.

Il indique que le devoir de ceux qui ont été acteurs de cette guerre et qui sont appelés à mourir est de transmettre ce qu’ils ont retenu de cette douloureuse expérience. Il incite les jeunes à réfléchir aux dérives de notre société, à penser par eux-mêmes, à garder la faculté de s’indigner et de résister, conscients des responsabilités qu’ils doivent et devront assumer.
Il précise également qu’outre ce geste fort de reversement de leur pension, les membres de l’association participent chaque fois que possible à des rencontres avec des collégiens et des lycéens et qu’ils organisent des voyages en Algérie dans le but de rencontrer les associations qu’ils soutiennent, les anciens moudjahidin qui furent leurs adversaires et visiter des lieux mémoriels de la guerre.

Hakim, dans son intervention, indique que, comme franco-algérien, il a une vie alternée entre les deux pays. Il souligne qu’il ne faut pas oublier que la guerre d’Algérie est l’aboutissement de 130 ans de colonisation, d’un système profondément inégalitaire, injuste et raciste.
L’importance de la colonisation en Algérie et ailleurs impacte encore aujourd’hui négativement la société française. L’enseignement en France sur la colonisation et sur la guerre a été et reste encore insuffisant et en Algérie il est transmis avec la vision déformée et mensongère du pouvoir en place, dont la guerre reste le ciment.

Fatina qui est engagée au sein du CLJA, déclare sans ambages qu’elle est française, née en France et fière de l’être ! Son père, aujourd’hui décédé, ne lui a jamais parlé de cette guerre, mais elle a mesuré l’émotion qui l’étreignait lorsque le sujet était fugitivement abordé. Elle souligne l’importance de la transmission des mémoires. De tous côtés : combattants des deux bords, harkis, pieds-noirs, juifs. Ils ont encore du mal à parler, mais toutes les mémoires sont légitimes et peuvent être transmises et entendues : poser des mots sur les maux, avec respect, sans l’idée de blâmer.

« J’ai des voisins sympathiques, gentils. Je sais qu’ils votent pour l’extrême-droite. Je ne peux le comprendre. Cela m’interroge. On a besoin d’apprendre de notre passé même si parfois c’est difficile.
Les valeurs de paix, d’amitié, d’amour sont à transmettre inlassablement. J’ai pour ma part la chance d’être accompagnée. J’ai pu ainsi déconstruire des préjugés qui m’habitaient.
Nous, les jeunes, la responsabilité nous revient aujourd’hui de construire un monde bienveillant, plus solidaire et fraternel ».

Parmi les questions… et les réponses je retiendrai celles-ci :

Donnez nous plus d’informations sur la 4acg

Stanislas  : J’ai apporté quelques plaquettes de présentation de l’association. Vous pouvez nous en demander. Vous pouvez aussi visiter notre site, très complet : 4acg.org. Nous avons aussi publié un livre aux éditions L’Harmattan qui contient des témoignages de tous les acteurs de ce conflit : Guerre d’Algérie, guerre d’indépendance – Paroles d’humanité. Notre association rassemble des appelés. Nous n’aimons pas le terme, pour ce qui nous concerne, de combattant, ni les drapeaux, ni les médailles. En 1914, des Français sont partis la fleur au fusil. Il s’agissait de défendre leur pays. En Algérie nous avons été appelés, forcés à participer à une guerre injuste, imbécile, contre des résistants qui n’aspiraient qu’à la liberté que nous leur avions confisquée.

Comment évolue le projet « Regards croisés » ? Comment ça se passe ?

Hakim : Ce projet a été profondément contrarié par la pandémie et aussi par le gouvernement algérien qui a refusé les visas demandés. Des jeunes algériens ont pu venir en France. Ils étaient d’abord réticents, voir critiques. Ils avaient subi le formatage du régime.

Tous les Français, quelles que soient leurs origines, sont concernés par la colonisation et la guerre d’Algérie, mais les tabous existent partout. En France, c’est depuis peu que les programmes prévoient des séquences sur la guerre d’Algérie et en Algérie le récit est déformé, tronqué. Ce qui domine c’est la méconnaissance. Il fallait expliquer, rétablir la vérité. Mais l’atmosphère s’est vite détendue. Le dialogue a pu se construire avec chaleur. Il n’y a dans la troisième génération aucune trace de haine. Les jeunes veulent comprendre, ne pas laisser l’histoire être maltraitée, et ils ont tous le désir d’un rapprochement entre les jeunesses des deux pays.

À la fin de la rencontre Jean Lagrave qui fut réfractaire se signala et c’est sous les applaudissements que furent évoqués son parcours et celui de ses camarades qui refusèrent de se plier aux ordres et de partir combattre en Algérie…

En conclusion, on peut sans doute dire que cette rencontre constitue un bon jalon pour relancer l’événement « 20 ans en Algérie et en France » pour lequel il avait été formé un collectif d’associations avec la collaboration de la mairie d’Aubervilliers.
Les associations semblent à nouveau mobilisées, et, si la mairie reste motivée, il ne faut pas perdre cet élan.

Christian Travers

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