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17 octobre 1961 : témoignage émouvant d’un membre de 4ACG

vendredi 26 octobre 2012, par Jean de Monbrison

La vidéo de la manifestation du 17/10/2012 à Paris rappelle à un adhérent de 4acg de très tristes souvenirs.

Après notre compte rendu « vidéo » concernant le 17 octobre 2012 à Paris, nous avons reçu le message qui suit.

Il vient s’ajouter aux nombreux témoignages qui démontrent la réalité d’une répression qui fut féroce et que François Hollande a eu le courage de dénoncer aujourd’hui au nom d’une République dont tous les actes n’ont pas été glorieux.

Sujet : Re : [4acg] Vidéo 17 octobre 2012 à Paris
Date : Mon, 22 Oct 2012 10:51:08 +0200

Merci cher ami de ta retranscription qui fait chaud au cœur.

Je regrette de n’avoir pas pu être présent avec vous à Paris le 17 octobre 2012.

Au su de qui venait de se produire le 17 octobre 1961, alors que je poursuivais mes études de médecine à Grenoble, j’ai regagné Paris par le premier train le 18 octobre 1961. Je me suis rendu ensuite à la Porte de Versailles où étaient internés 7à 9000 Français maghrébins arrêtés suite à leur manifestation pacifique en vue de faire lever le couvre feu de 20 heures rendant leur vie de travailleurs des plus difficiles.
Je pus passer tous les barrages en disant à la police, puis aux militaires que j’avais des éléments à révéler sur un détenu au nom de Hocine MOUHOUBI.
C’est ainsi qu’avec l’accord du colonel qui commandait la garde et qui me reçut courtoisement, j’ai pu voir de mes yeux le stade dans lequel ils étaient enfermés.

J’ai alors expliqué au colonel qu’ à mon retour comme appelé en Algérie en 1956, j’avais pris en charge Abdou MOUHOUBI, âgé de 8 ans, et qui traînait dans la rue, son père étant manœuvre, comment j’avais fait venir sa mère, acheté sa première paire de souliers en haut dsu Bd St-Michel fait venir sa petite sœur et son grand frère HOCINE, qui était harki (je ne sais pas comment j’avais réussi à obtenir sa démobilisation, probablement, grâce à un officier intelligent et complaisant).
J’expliquais à ce colonel la raison de ma visite, ma crainte au sujet de Hocine qui ne savait pas s’exprimer en français. Il ne savait que répondre :oui,oui.
C’est pourquoi, je lui avait mis dans la poche de sa veste une courte déclaration où je me portais garant de lui.

Après m’avoir écouté, le colonel me répondit qu’il ne pouvait rien faire : « autant chercher une aiguille dans un tas de foins. Ne vous inquiétez pas, rajouta-t-il, s’il n’a rien fait il sera libéré. »

Je quittais le stade de la Porte de Versailles en pleurant en regagnant à pieds le logement où j’abritais ces personnes Rue des Boulangers, avec l’image de tous ces prisonniers en piteux état, certains couverts de sang.
Je croisais nombre de Parisiens qui vivaient comme si rien ne s’était passé, y compris des prêtres en soutane et des religieuses qui disaient leur chapelet…
Quelle honte, quelle indifférence.
Pour l’ensemble des Parisiens, ce qui arrivait aux « bougnoules » leur importait peu et ils n’ont pas beaucoup évolué depuis.

Je me souviens des années plus tard, quand on montra à la télévision, le stade dans lequel Pinochet enferma des milliers de Chiliens, j’ai été saisis de tristesse et d’émotion, un choc en revivant la même chose que j’avais vécu à Paris le 18 octobre 1961 dans l’indifférence du plus grand nombre.

Merci , chers 4acg pour votre envoi, pour votre combat auquel je suis partie prenante depuis mon retour d’Algérie fin 56.

Bien à vous

Jean de Monbrison

La commémoration du 17 octobre 1961, le 17 octobre 2012, au Pont St Michel


17 octobre 2012 : enfin la reconnaissance ! par smallflume

ps :

Après la déclaration de François Hollande nous avons eu droit à un déchaînement de protestations. Ceux qui se refusent à assumer les heures noires de la République n’ont pas compris que pour tourner la page et se réconcilier avec l’Algérie il faut admettre la vérité de certains évènements.

A ce sujet voir l’excellent article de Gérard Courtois paru dans le Monde :
France-Algérie, la mémoire lourde pour partager sa conclusion …« Français et Algériens ont un trop long passé commun, fût-il dramatique, pour ne pas savoir inventer un avenir partagé et assumé. »

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